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Photo du rédacteurLaurent Bonet

Couples Artistes...

Couples Artistes... Un texte inspiré de m. François Vincent, artiste peintre, plasticien, président d'honneur de l'exposition couples Artistes de la fondation Jordi Bonet.


La généreuse invitation que nous a adressée la Fondation Jordi Bonet s’intitule " Couples Artistes " invitation de Sonia et de Laurent que je souhaite d’abord remercier. Je crois qu’à sa lecture, on a tous été interpellé par le mot "couple". Nous évoluons dans une sphère où la nature du travail dépend le plus souvent d’une personne. Cette fois-ci le thème choisi  convoque deux personnes et l’histoire de leur complicité est tout probablement différente d’un couple à l’autre. Elle l’est certainement en surface. Cependant, si l’on creusait le moindrement, elle pourrait nous offrir les mêmes fondements. Permettez-moi de partager brièvement quelques réflexions ce soir  avec vous à ce propos.

 

Paule et moi formons un de ces couples depuis maintenant plusieurs années. Depuis plusieurs années, nous sommes restés fidèles à bien des choses. De petites choses imbriquées les unes dans les autres et qui au fil du temps tissent des paysages qui au bout du compte ne peuvent que nous ressembler. L’expression artistique  nous ayant constamment rattrapé, ces paysages aujourd’hui nous supportent. D’un pas de côté on les contemple et avec des pas, disons, vers l’avant on les partage. On arrive même à les transmettre.

Parlons d’abord de Paule si vous le voulez bien.

 Après un cours de haute couture a l’école Cotnoir Caponi, et ici nous sommes déjà dans la nostalgie, le nom lui-même est évocateur d’un lieu aujourd’hui disparu …lieu de haute couture et haut lieu de dextérité fine, Paule donc, devient imprimeure en taille-douce engagée dans un atelier d’estampes. Autre métier, - et encore, si c’est possible- davantage dans la marge. Une marge pourtant où nous nous sommes rencontrés et dans laquelle nous partageons tout naturellement des goûts. Où sans trop se l’être dit au départ, on finit par avoir les mêmes fréquentations esthétiques.

Dans cet atelier, autour de sa presse, on s’est souvent retrouvé pour examiner l’état d’une gravure et sans se le dire, nous tombions immédiatement d’accord sur la bonne teinte de gris ou encore quand nous vivions une vraie rencontre au cœur de la profondeur d’une aquatinte noire. Une aquatinte plus noire que noire. Sonne alors ce que nous appelons maintenant une "notification". Un petit éclat merveilleux nous traverse illico et ainsi constamment nous ajoutons une autre maille au tissage. On dirait que nous sommes  dans le domaine de ce qu’on a déjà appelé " l’art pour l’art" et nous baignons en toute candeur dans un réconfort, lui  bien réel et présent en sachant qu’il y a quelqu’un, tout près avec qui nous allons avoir une vraie correspondance. Autre exemple, quand dans une gamme de tons,  le choix d’un jaune s’impose…un jaune moins chaud …juste un peu plus froid…et "ping" une autre notification! Le partage de ces nuances finit par nous habiter, on s’élève à deux dans un monde plus sensible et ces petites révélations secrètes n’appartiennent qu’à nous, tout en sachant, on peut le

deviner, qu’elles se répètent tout au long de cette exposition avec la même authenticité.

 

De mon côté, vous vous doutez que la voie ne fût pas celle de la haute couture. Elle était plus abrupte et nettement plus cérébrale. J’ai, en effet, débuté mes études universitaires par l’obtention d’un bacc. en linguistique où tout tournait à l’époque autour de la pensée dominée par le structuralisme. Cette discipline encore aujourd’hui me suit. Sa rigueur et la précision avec laquelle on organise les concepts me sont toujours utiles. Cependant, à l’arrière scène de ces études un besoin demeurait plus fort que tout. Celui de dessiner. L’ambition de "savoir dessiner". Pour appréhender le monde qui m’entourait, ce savoir m’apparaissait au dessus de tout, il avait la priorité sur l’élaboration d’une pensée discursive. Il me permet de me tenir tous les jours debout devant mon chevalet. De toute façon je répondais à  une pulsion qui excluait  le reste et pour en faire l’apprentissage j’ai eu la chance d’enseigner le dessin. Depuis maintenant des lustres, je donne les cours de couleur et de dessin d’observation à de futurs scénographes. Ces matières me passionnent encore comme aux premiers jours. J’arrive ainsi à mieux distinguer ce jaune froid que nous observions ma copine et moi. La lumière et la profondeur des ombres ont moins de secrets et cet objet de connaissance là encore me permet de voyager avec Paule au pays de ce noir absolu dont nous parlions plus tôt.

 

Je conclus en vous racontant ce que sera notre semaine prochaine en tant que " Couples Artistes".

Ces cours donnés aux scénographes se donnent sur deux ans. Ils se ponctuent par une semaine intensive en gravure. Il s’agit dans la plupart des cas d’une première rencontre avec le médium et pour ce faire ils (et majoritairement elles) auront la chance d’être aussi accompagner par une imprimeure professionnelle dans un atelier atelier professionnel!

Je vous laisse deviner l’émerveillement quand vers 14 heures de la première journée, tous réunis autour de la presse, Paule soulève les langes pour dévoiler les premières épreuves des étudiants enchantés par ces découvertes en voyant apparaître les images imprimées impeccablement sur un papier précieux qui révèle tout le travail de la pointe sèche gravé directement dans la plaque de cuivre.

Cette fois-là encore retentit le PING et il retentit fort et plusieurs fois pour notifier cet instant de bonheur. Et le soir, à la maison, quand Paule et moi repenserons à l’enthousiasme de cette fin d’après-midi, on trouvera que notre millionnième assiette de pâte est encore meilleure que la première.





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