Dévoiler le potentiel de la matière
François-René Despatis L'Écuyer
François-René Despatis L’Écuyer — Colonne de lumière, mer intérieure
Chez François-René Despatis L’Écuyer, l’abstraction n’est pas un retrait du monde mais un rituel de transmutation. Le bleu y tient lieu d’élément premier — non pas couleur d’ornement, mais milieu actif où la lumière colonne l’espace et ouvre un passage entre deux horizons : la terre et le ciel. Une simple ligne d’horizon suffit à organiser la respiration du tableau ; au-dessous, une mer intérieure stratifiée ; au-dessus, un champ vibratoire qui n’est plus climat mais état de conscience. La peinture s’offre ainsi comme une hospitalité chromatique — une main qui apaise, qui répare, main guérisseuse d’âme autant que main coloriste.
Cette économie de moyens — horizon, champs de bleu, verticales lumineuses — produit un effet de présence plus que de représentation. On n’y “regarde” pas un motif : on traverse un seuil. D’où la sensation paradoxale de simplicité et d’ampleur métaphysique : la toile n’illustre rien, elle met en état. C’est ici que l’“alchimiste” affleure : le peintre clarifie, décante, filtre, jusqu’à faire correspondre intériorité et paysage.
Signe décisif : la peinture n’est pas chez lui un territoire exclusif. Sa démarche assume une fusion peinture/sculpture et s’oriente vers l’installation immersive — un usage de l’espace comme médium, qui prolonge la surface vers le volume et fait “sortir” la peinture de la toile. Lignes, matières découpées, éléments assemblés composent des ensembles où une dimension en suggère une autre : des horizons ouverts et réfléchis, comme si chaque plan appelait son double dans le réel. Cette porosité du 2D au 3D n’est pas un effet de style mais un véritable changement de perspective dans la lecture de l’œuvre.
Même son lexique de séries — Nuages, Les Vagues, Océan debout, Stratification, Les Migrateurs, Bois-Bois, Cœur Solaire — indique moins un catalogue de thèmes qu’une cartographie d’éléments : ciels, mers, strates, passages, forces vives. À ce titre, le “paysage” n’est jamais littéral ; il désigne une dynamique (se lever, se déplacer, se superposer) qui traverse tout l’univers de l’artiste et autorise le basculement vers l’installation.
Ce que l’on reçoit, au fond, tient à la qualité de la donation : Despatis L’Écuyer ne “montre” pas, il participe. Il engage son geste comme on offre un appui : la colonne de lumière pour se redresser, la ligne pour s’orienter, le bleu pour respirer. L’œuvre agit alors comme une pratique d’attention — calme, exigeante — où le visible guérit non par message, mais par justesse.




