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Dévoiler le potentiel de la matière

Joann Côté

Joann Côté — Poétique de l’indiscipline, transmutation des signes

 

Chez Joann(e) Côté, l’intuition n’est pas un éclair passager : c’est une méthode d’arpentage. L’artiste avance en polyglotte visuelle, brassant peinture, sculpture, performance, installation, photographie — un lexique large qui refuse les clôtures disciplinaires pour mieux faire surgir l’image juste. Son geste procède d’une abstraction incarnée : l’œuvre n’imite pas, elle transmute. Un fragment textile devient topographie mentale ; une silhouette de “robe” se renverse en architecture de mémoire ; un signe brodé tourne au phonème d’un récit. À chaque fois, la proportion — tenue à la précision d’un compas — assure la justesse : c’est parce que la mesure est ferme que l’ivresse peut circuler. (Expositions et corpus mêlant peinture, sculpture, installation et performance ; reconnaissance d’une posture pluridisciplinaire-engagée.)  

 

On sait son passage par le design de mode : non pour illustrer un vêtement, mais pour en retenir l’avant-garde du mouvement. D’où ces robes-installations en matériaux récupérés, devenues au fil des ans de véritables dispositifs : membranes d’espace, partitions d’actions, surfaces à activer. L’héritage du costume y survit comme souvenir de corps, mais c’est la scène qui prend le relais : le vêtement se fait lieu, l’atelier devient plateau, l’image s’arrache à la simple représentation. (Études en stylisme de mode ; corpus de robes-installations, pratique des matériaux recyclés ; peinture, sculpture, performance, installation.)  

 

Côté pousse la porosité jusqu’à l’art social : elle code, tisse, partage, ouvre la fabrique du sens à d’autres régimes de perception. Ici, un projet d’alphabets tactiles — braille, morse — convertit l’œuvre en hospitalité : le signe n’est pas un mur, c’est une porte. Là, une série “mémoire” replace la matière dans une généalogie du quotidien : objets de cuisine, textiles, gestes transmis. La forme demeure exigeante, la poésie affleure. (Projet Visible, invisible avec co-création et alphabet braille ; ateliers de murales textiles en code morse ; corpus “mémoire”/“mémoire ancestrale”.)  

 

Ce qui frappe — au-delà du savoir-faire — est la tenue intérieure de l’œuvre : un savoir d’équilibriste, qui fait fi des conventions sans se dérober au risque de la clarté. Côté pratique une indiscipline réglée : l’image déborde, oui, mais elle tient. À l’aisance de la poétesse — montage, coupe, reprise — répond la rigueur de l’architecte : axes, rapports, orientations. D’où cette impression d’“intuition stratosphérique” : l’altitude de la vision n’abolit pas la gravité, elle la recompose. (Profil public : artiste pluridisciplinaire, posture engagée, corpus mixte exposé en institutions).  

 

Au fond, l’art de Côté consiste à changer l’état des choses — non pas à raconter, mais à faire passer : du signe au contact, de la peau à la page, de la page au lieu. C’est une poétique de l’accueil : l’œuvre recueille ce qui vient (matières, images, gestes), puis restitue — plus net, plus vaste — ce qui demeure. La transmutation n’est pas un effet : c’est un devoir d’attention.

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